Détermination, innovation et inspiration
Ce parcours inspirant est celui de Marie-Claire Dumas, directrice générale de Concertation Montréal (CMTL) de 2015 à 2022. L’initiative Parcours inspirants vise à mettre en lumière des personnalités remarquables qui gravitent autour de CMTL.
Féministe convaincue, gestionnaire aguerrie, Marie-Claire Dumas a consacré sa carrière à défendre la justice sociale. Devenue directrice générale de la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ) en 2007, elle a dirigé les travaux menant à la création de Concertation Montréal en 2015. Découvrez le parcours d’une femme audacieuse au leadership inspirant.
Concertation Montréal – Après vos études en communications, vous avez signé des chroniques dans Châtelaine pendant plusieurs années. Comment ce travail a-t-il influencé la suite de votre parcours?
Marie-Claire Dumas – De 1980 à 1988, j’ai tenu la chronique mensuelle de Châtelaine, Femmes d’ici et d’ailleurs. Je m’intéressais aux actions et revendications des groupes de femmes du Québec, mais aussi aux luttes féministes ailleurs dans le monde.
Ce qui m’a le plus influencée a été de connaître de nombreux mouvements différents. Ce n’est pas parce qu’on est féministe qu’on est toutes et tous à la même place, ou qu’on agit sur le même terrain. Mais, après un certain temps, j’avais vraiment besoin d’être dans l’action. Sans vouloir dénigrer mon expérience ni le journalisme, j’avais l’impression d’être spectatrice. J’avais envie de faire partie d’une équipe, de travailler sur des projets qui donneraient des résultats concrets que je serais à même de constater.
CMTL – Qu’est-ce qui vous rend particulièrement fière dans vos nombreux accomplissements de carrière?
MCD – Il y a trois choses.
Premièrement, une de mes plus grandes fiertés est l’organisation du premier colloque national sur l’équité salariale lorsque j’étais au Y des femmes. J’étais alors directrice du Centre de gestion du Y des femmes, et on cherchait vraiment à avoir un impact structurant pour les femmes de notre communauté.
Notre analyse nous a amenées à nous intéresser à la question salariale et particulièrement à l’aspect des salaires inégaux pour des emplois équivalents. Des lois existaient dans d’autres provinces canadiennes; les syndicats avaient commencé à développer différentes méthodologies pour comparer des emplois.
On a voulu mettre en commun toute cette expertise. Cela a donné naissance, et c’était notre intention, à une coalition pour obtenir une loi sur l’équité salariale au Québec. Quelques années plus tard, une loi a été adoptée par l’Assemblée nationale. Des milliers de femmes ont eu des salaires ajustés, notamment dans la fonction publique.
Deuxièmement, je dois parler de la création du programme d’Equitas On ne joue pas avec les droits – Play It Fair!, en collaboration avec la Ville de Montréal, que j’ai copiloté comme directrice du Bureau des relations interculturelles. Ce programme est maintenant donné à des jeunes partout dans le monde pour les former aux droits humains.
Les nombreux prix qu’il a remportés témoignent de son impact durable : Tri-Cities Colombie-Britannique (2015); Trailblazer de la Coalition canadienne pour les droits de l’enfant (2014); Prix de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (2014); Prix de la citoyenneté (Ann Greenup) (2009). Reconnu en tant que meilleure pratique dans A Compendium of Good Practice: Human Rights Education in the School Systems of Europe, Central Asia and North America par le Conseil de l’Europe, OSCE ODIHR, UN OHCHR et l’UNESCO.
Troisièmement, je suis immensément fière de toutes ces organisations, ces jeunes pousses, que nous avons créées et incubées à la CRÉ et à CMTL, avec nos partenaires; des jeunes pousses qui fleurissent, qui grandissent et qui essaiment encore, sous une forme ou une autre : Festival Eurêka!, Printemps numérique, Excellence sportive de l’île de Montréal, Femmessor, Ecotech Québec. Sans compter les programmes, comme Leadership Montréal, le Groupe des Trente, le Réseau jeunes femmes leaders, le Mouvement montréalais Les Filles & le code, qui ont changé la vie de centaines de personnes.
Et je finis avec le dernier, mais non le moindre : la création même de CMTL : d’avoir réussi à survivre, grandir et s’installer comme une organisation montréalaise incontournable, malgré les turbulences et les vents contraires que nous avons dû affronter. C’est un legs très riche qui me rend très fière.
CMTL – Comment avez-vous développé votre intérêt pour la concertation?
MCD – Ma première expérience de concertation s’est passée avec le colloque sur l’équité salariale. Sans cette grande concertation des syndicats, des groupes de femmes, des milieux de recherche, le succès aurait été plus difficile à atteindre. Par la suite, comme cheffe de division, développement social et communautaire à la Ville de Montréal, on ne faisait que ça, de la concertation. On travaillait avec tous les organismes du milieu, dans l’ensemble de nos champs d’intervention. La concertation est vraiment devenue mon modus operandi.
CMTL – Comment Concertation Montréal a-t-elle été créée en 2015?
MCD – En 2014, le gouvernement du Québec a décidé d’abolir les CRÉ afin de travailler plutôt avec les MRC en matière de développement régional. À Montréal, la société civile a maintenu une mobilisation forte pour conserver son instance de concertation. C’était une période de transition très anxiogène.
On avait, d’un côté, un mandat clair de nos membres de continuer à faire du lobby auprès de Québec pour conserver la CRÉ, alors que de l’autre, on recevait les consignes incontournables de fermeture de la part du gouvernement. Les fonds de développement régional du Québec étant, à partir de la fermeture de la CRÉ, confiés à la Ville de Montréal, cette dernière a décidé de nous les déléguer. C’est ainsi que nous avons créé Concertation Montréal, de concert avec les élu.e.s municipaux et la société civile.
Le résultat final a été une organisation complètement différente. On n’avait plus d’entente de financement avec les différents ministères du Québec. Les budgets de développement régional avaient été coupés de moitié au passage. Le budget de l’organisation est passé de 20 M$ à 2 M$ par an. Il n’y avait plus qu’une quinzaine d’employé.e.s.
Nos secteurs d’activité se sont aussi transformés. Certains mandats, comme l’intégration des nouveaux arrivants, ont été repris par la Ville. Par contre, toutes nos actions pour la diversification des lieux de pouvoir ont été soutenues. Nous avons redémarré sur de nouvelles bases, tout en nous appuyant sur les acquis de notre expérience et de notre expertise. Au final, nous avons été comme le phénix qui renaît de ses cendres et cette belle croissance de l’organisation me rend extrêmement fière.
CMTL – Quel est l’avenir de Concertation Montréal, selon vous?
MCD – Concertation Montréal est et reste d’une grande pertinence dans le contexte actuel, ça, c’est sûr. C’est un espace unique à l’intersection de tous les milieux, tous les secteurs. CMTL a donc une capacité à lier des secteurs qui n’auraient pas l’occasion de se rencontrer autrement et de les mettre en contact avec des élu.e.s.
L’une des forces de CMTL est sa capacité à cerner les chaînons manquants, à identifier des enjeux qui ne sont pas couverts par les administrations municipales, ni par le gouvernement du Québec, ni par les OBNL à vocation spécifique, bref, à entrer où personne ne peut entrer. Un bel exemple de cela est tous les programmes de diversification des lieux de pouvoir, comme les conseils d’administration. Ça aide tout le monde à mieux accomplir sa mission.
Ce savoir-faire, combiné au fait que CMTL est un OBNL, confère aussi à l’organisation une grande capacité d’innovation. La fonction publique évolue avec des responsabilités et des contraintes, elle administre l’argent des contribuables, ce qui crée des carcans nécessaires à la bonne gestion des fonds publics. À la fois pour les élu.e.s et pour les représentant.e.s socio-économiques, CMTL est un lieu qui permet l’innovation et la créativité. Et cela constitue une autre de ses grandes forces.
Il y a ensuite la capacité de l’équipe à bien lire l’environnement et à proposer des idées qui seront bien accueillies par celui-ci. C’est beaucoup l’agilité de l’équipe et du C.A., leur habileté à identifier des besoins et à rassembler dans l’action les bonnes personnes, qui fait la différence.
CMTL possède une large expertise. Elle est capable de proposer différentes formes de concertation et de les adapter à un contexte donné. Il faut y aller avec les forces en présence et prendre la route qui se dessine.
La réputation de l’organisation est là. Elle livre des projets avec des résultats tangibles. C’est pour cela que les gens viennent vers Concertation Montréal et, comme moi, continuent à s’y investir.
L’inspiration se poursuit ici avec d’autres entretiens. Consultez notre site Internet pour en savoir plus sur nos programmes.
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